Ma bonne étoile

Elle est un tout petit soldat

De plomb, inoffensif, sans armes

L’imprévu de mon agenda

La source tarie de mes larmes.

Cachée dans un rire inconnu

Elle sait m’investir en silence

Me protéger quand je suis nu

Me préserver des évidences.

Elle est un animal sauvage

Une fleur de toute beauté

La promesse de tous mes courages

L’ennemi de ma cruauté.

Si elle peut me surprendre un jour

Pour mieux s’effacer dans la nuit

Révéler en moi cet amour

Celui réprimé sans un bruit.

Peut-être qu’à la fin des fins

Là tout en haut de la montagne

Elle saura délivrer enfin

L’ange enfantin qui m’accompagne.

J’ignore tout de ton existence

Ne compte pas que je me dévoile

N’attends rien de mes confidences

Sois en secret ma bonne étoile.

©Texte Philippe Buffarot, 2021

« Se souvenir des libellules »

extrait d’une nouvelle

Région des Landes, Europe, planète Terre, 5 octobre 2367.

Ceci n’est ni ce qu’elle voit, ni ce qu’elle imagine. Ceci est ce dont elle est témoin.

Arjen s’enfonce résolument dans la forêt. Avec une seule idée en tête : trouver refuge. Ses pas assurés foulent un chemin souple, tapissé de sable gris, de mousse, d’aiguilles de pins, bordé par une mer de fougères brunes et vertes, à perte de vue. Il accélère la cadence, court plus qu’il ne marche. Reste à l’écoute des sensations de son corps, dont il ressent la moiteur. Son rythme cardiaque s’accélère à mesure que le paysage défile. Les premières gouttes salées roulent le long de ses tempes, son visage est baigné de sueur. Sa vue se trouble légèrement. Tout autour les branches des arbres géants filtrent les rayons du soleil déclinant. Par les trouées du feuillage, d’étonnantes tâches lumineuses parsèment le sol. Elles semblent lui indiquer la voie à suivre. Quiconque pénétrerait ce milieu pour la première fois pourrait le trouver hostile. Pour lui, malgré la tension du moment, l’atmosphère est à la fois familière et apaisante. Depuis qu’il a fait le choix de venir s’installer dans cette région du monde, sans elle, il y a près de vingt ans, cette terre d’adoption est devenue la sienne. Cette forêt n’a plus de secret pour lui, il l’a découverte jusque dans ses moindres recoins. Plein ouest, au-delà du labyrinthe de troncs, l’immense dune dorée. Immuablement dévorée par l’océan, chaque jour, chaque nuit. Mordue par la caresse perpétuelle des vagues inlassables. A l’opposé, le cimetière des résineux est une zone à éviter…/…

Dépôt légal mars 2021 – Philippe Buffarot

Pour de faux

Le vent de ces hivers fera danser les branches
Longs doigts articulés aux griffes acérées 
Érafleront en vain d’immenses masses blanches
Dans un ciel irréel en mode accéléré.

Les gardiens du grand froid surgiront d’un cocon
Etendront patiemment la nappe immaculée 
D’un décor animé de fragiles flocons 
En délicieux cristaux de neige acidulée.

Et les dessins d’enfants dans la buée des fenêtres
Feront naître les visages troublants et émotifs 
Des êtres imaginaires voués à disparaître
Transformant les douleurs en bonheurs si furtifs.

La lune de la nuit froide peinte à l’encre de Chine
Aura beau éclairer les fantômes du présent
Des hommes-loups égarés semblables à des machines 
Promèneront leurs ombres dans ce monde apaisant.

La mer exhalera ses atomes salés
En brume suspendue, interminable voile
Recouvrira la terre de vagues avalées 
Rappellera nos corps en poussières d’étoiles.

 © Photo, texte, Philippe Buffarot, 2019

Ils sont

Ici des yeux s’éteignent absorbés par le noir,
Des membres résignés abandonnent la lutte,
Eux rappellent à nos âmes que d’un rien naît l’espoir,
Le monde peut s’éclairer le temps d’une minute.

Quand les ventres troublés emplis de papillons,
Sont prisonniers des bouches ourlées de fausses fleurs,
Ils protègent nos corps de frêles oisillons,
Nous étreignent en silence pour endormir nos peurs.

Parfois naissent des mots qui meurent aussitôt dits,
Des calques en trompe-l’œil du livre que l’on partage,
Leurs mains sur nos épaules et nos nuques étourdies,
Nous poussent dans le vide écrit de cette page.

Si le temps nous écrase et la vie nous dépasse,
Leur présence éternelle donne vie aux chimères,
Allège nos fardeaux et ouvre nos impasses,
Et emmène à bon port nos bouteilles à la mer.

Tant de matins de doute et de soirs de tourments,
Aux démarches hésitantes dans ces nids de moineaux,
Tandis qu’ils soufflent en nous l’énergie d’un moment,
Comme guides de nos mains sur clavier d'un piano.

Dans un grand champ de fleurs, sous un vieux châtaignier 
Le monde paraît si loin qui ne connaît de trêve,
Dans l’automne qui vient, des journées à saigner,
Ils vivent là tout près comme dans le creux d’un rêve.

© photo, texte, Philippe Buffarot, 2019

Ami

Suivre le moindre de tes pas,

Pour t’aider toujours et partout,

Te dire ça va quand ça va pas,

Te montrer que tout est dans tout.

T’emmener jusqu’à l’autre rive,

Te prêter de vraies intentions,

Te donner ce dont tu te prives,

Partager le goût des passions.

Te créer la vie dont tu rêves,

T’écouter dans le bruit du monde,

Inviter des instants de trêve,

S’émerveiller des lunes blondes.

Partir plus loin que tu ne penses,

Réparer tes maux pour de vrai,

Etouffer tes cris tes offenses,

Rire de tes défauts en secret.

Te montrer un chemin un jour

Eclairer tes doutes et tes peurs,

Ne jamais te dire pour toujours,

Parler à ton âme et ton cœur.

Et t’apprendre tout ce que j’ignore,

Croire en toi et tes idéaux,

Te protéger jusqu’à l’aurore,

Et t’offrir le chant des oiseaux.

© Texte, photo, Philippe Buffarot, 2018

Chemin de pierres

Quand la nuit et le jour se confondent en lumières,

Naît un monde peuplé de figurines étranges,

Condamnées à errer sur les chemins de pierres,

Ignorant la présence invisible des anges.

Quand les larmes de pluie délavent les visages,

Et les corps éreintés de n’avoir pas aimé,

Si les chemins de pierres sont remplis de présages,

Ils ne sont accessibles qu’aux esprits sublimés.

Quand les rêves d’enfants s’évanouissent alors,

Des êtres avatars abandonnés du monde,

Réécrivent sans fin gravé en lettres d’or,

Le texte de la vie éternelle et féconde.

Quand le feu de ce temps consume ses saisons,

Fait chavirer les sens, la musique des vents,

Le souffle de ses flammes agit tel un poison,

Les hommes éprouvés luttent pour demeurer vivants.

Quand le jour et la nuit se séparent à jamais,

Les murs s’effondrent enfin tout redevient poussière,

La nature éclatante s’enivre à ranimer,

Les fleurs multicolores sur les chemins de pierres.

© Photo, texte, Philippe Buffarot, 2018

Elle se demande

Quelques lettres gravées sur des morceaux de bois

Les mots chéris tracés dans un sable si fin

Tant de fois prononcés qui ont quitté sa voix

Elle se demande pourquoi ce monde n’est plus le sien 

Dévoré tous les livres de la terre et d’ailleurs

Froissé toutes les lettres écrites pendant la nuit

Parcouru les rues froides de la ville sans lueur 

Elle se demande comment seront les jours sans lui

Et s’amusant d’un rien, de la danse des nuages 

Riant comme une enfant, innocente et rebelle

Perdue dans de doux rêves, trompée par des mirages

Elle se demande enfin si la vie sera belle

Son corps d’ange endormi emprunte à la nature

Des parfums délicieux et des couleurs célestes 

Quand elle s’éveille enfin de sa bulle si pure

Elle se demande pourquoi tout meurt et rien ne reste.

© Texte, photos, Philippe Buffarot, 2017

La ville bleue

Le jour est né sous tes paupières 

Où j’ai pu voir tous les reflets

De la ville bleue éphémère 

Qui n’a ni saison ni regret 

Un enfant voit son bleu puissant 

Se perdre si haut dans les cieux

Et se noyer dans l’océan

Provoquant les astres et les dieux 

Le jour sans arrêt triomphe 

Éclatant de bleu de lumière 

La nuit sans cesse renonce

A descendre embrasser la terre

La ville aux lignes monochromes

Défie un horizon bien terne

Transcende les femmes et les hommes

L’immense espoir qui les gouverne 

Les toits sans ombre sont des iles

Offrent refuge aux papillons 

Leurs battements d’ailes inutiles

Forment comme un grand tourbillon

La cité saphir étincelle

Sous un feu glacial et brûlant

Fière de ses arbres intemporels

Et de leurs branches de diamant

Le jour est né sous tes paupières 

Où j’ai pu voir tous les reflets

De la ville bleue éphémère 

Celle qui ne s’éteindra jamais.

© Photos, texte, Philippe Buffarot, 2017

Ta jeunesse

Je vois dans ta jeunesse tant de choses oubliées,

Des promesses sans fin, obscures et incertaines,

Tant d’espérances inouïes et de folles pensées,

Tournées vers l’avenir où l’espérance est reine.

Je prends dans ta jeunesse tout ce que tu sais oser,

Des envies aux espoirs, des cris aux idéaux,

La force de penser que tout est à rêver,

Tes révoltes, tes plaisirs, tes colères et tes mots.

Je sais que ta jeunesse n’est pas liée à la mienne,

Qu’elle n’est pas en dehors ou au-delà du monde,

Qu’elle ne concentre pas de douleur ou de peine,

Mais des trésors d’envie, éternelles secondes.

Je crois dans ta jeunesse car elle n’est pas écrite,

Elle vit puis se contracte, s’étouffe et resurgit,

Elle parle et nous atteint alors qu’elle n’est pas dite,

Nous assaille et s’impose, chuchote, enfin rugit.

©Photos, texte, Philippe Buffarot, 2016

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